Groupe FFI sur le boulevard de La Villette le 22 août 1944 Photo prise par Robert Doisneau |
Depuis, je l'ai feuilleté, une fois, deux fois, plusieurs fois, puis j'ai commencé à le lire en diagonale et, pris par le texte... j'ai commencé à le lire vraiment. Et maintenant je voudrais vous en parler. Je ne veux rien prouver, je veux juste parler de ce qui m'a touché.
À une époque où l'individualisme est une priorité et où il est plus important de paraître que d'être, à une époque où l'émigré est montré comme la source de tous nos problèmes, les pages de ce livre viennent remettre en place certaines valeurs paraissant "désuètes" comme par exemple "mourir pour la liberté d'un pays" !
"Mourir pour la France" quand on est "français de souche" comme on dit aujourd'hui, c'est héroïque mais quand un immigré de fraîche date meurt pour la France...
Parmi tous les témoignages, j'ai choisi Léon Goldberg, immigré juif polonais du FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans - Main-d'Oeuvre Immigrée). Léon Goldberg est l'un des 23 de l'affiche rouge qui ont été fusillés le 21 février 1944, 3 jours avant ses 20 ans. J'aurais pu tout aussi bien prendre comme exemple Olga Bancic qui elle, était immigrée roumaine, aussi au FTP-MOI et qui a été décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart.
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Dernière strophe du poème de Louis Aragon, L’Affiche rouge
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Dernière strophe du poème de Louis Aragon, L’Affiche rouge
Affiche de propagande éditée par le régime de Vichy et l'occupant allemand
© Musée de la Résistance nationale / Champigny
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Lettre à ses parents, déportés.
Chers parents,
Si vous revenez, et je le pense, ne pleurez pas, j'ai fait mon devoir en luttant tant que j'ai pu [...]. J'aurais voulu vous voir une dernière fois et vous tenir dans mes bras. Seulement ce n'est pas possible. Enfin ! Vous aurez encore deux fils qui deviendront des hommes. J'ai combattu pour que vous, Henri, Max, ayez une vie meilleure si vous reveniez et aussi pour qu'ils ne voient pas une autre guerre dans vingt ans. Ils sont jeunes et ils ont l'avenir pour eux.
Je ne sais vraiment plus quoi écrire, il y a tant de choses à dire et je ne voudrais pas écrire.
Chers parents, Henri, Max, chers frères, je vous embrasse de toute mon âme.
Votre fils, Léon Goldberg
Dernière lettre de Léon Goldberg à sa fiancée Ginette
Fresnes, le 21 février 1944
Ma chérie, ma dernière lettre et mon dernier souvenir pour toi, je vais être fusillé à trois heures. Il est 11h30. D'abord je voudrais que tu ne pleures pas et que tu sois très courageuse comme je le suis moi-même, je n'ai pas peur de mourir. Je trouve quand même que c'est un peu trop tôt. Comme cadeau d'anniversaire, c'est réussi n'est-ce pas.
Tu sais depuis samedi ce qui m'attend par les journaux.
Ta photo est devant moi ce matin, comme toujours. Je l'emmène avec moi pour ce long voyage dont personne n'est, je crois, jamais revenu. Console-toi très vite ; nous nous sommes trop peu connus. J'ai fait mon devoir envers tous, je ne regrette rien. Tout ce que je voudrais, c'est que, quelques fois, vous tous, mes amis, pensiez à moi ! Maintenant, j'embrasse tes parents, Fanny, toi-même, ma chérie, ainsi que tous mes amis. Quand mes parents reviendront, tu rendras mes affaires. Enfin, arrangez tout quand tous seront de retour.
Ils ont été forts pour mon cadeau d'anniversaire, tu ne trouves pas ? Je n'écris pas grand-chose, je n'ai pas grand-chose à écrire. Ça vaut mieux, parlons des amis. [...]
Je n'arrête pas de manger en ce moment. Que veux-tu que je te dise, ma chérie. Il faut bien mourir un jour. Je t'ai beaucoup aimée mais il ne faut pas pour cela oublier que la vie continue.
D'ici quelque temps, j'espère que tu te seras fait une raison et que la vie reprendra ses droits.
Enfin, adieu à tous, la vie sera meilleure pour vous, je vous embrasse tous, ta famille et toi Ginette. Je demande pardon à tous ceux des amis que j'oublie.
Ma Ginette, je partirai avec ton nom sur mes lèvres.
Vive la France
Léon
Chers parents,
Si vous revenez, et je le pense, ne pleurez pas, j'ai fait mon devoir en luttant tant que j'ai pu [...]. J'aurais voulu vous voir une dernière fois et vous tenir dans mes bras. Seulement ce n'est pas possible. Enfin ! Vous aurez encore deux fils qui deviendront des hommes. J'ai combattu pour que vous, Henri, Max, ayez une vie meilleure si vous reveniez et aussi pour qu'ils ne voient pas une autre guerre dans vingt ans. Ils sont jeunes et ils ont l'avenir pour eux.
Je ne sais vraiment plus quoi écrire, il y a tant de choses à dire et je ne voudrais pas écrire.
Chers parents, Henri, Max, chers frères, je vous embrasse de toute mon âme.
Votre fils, Léon Goldberg
Dernière lettre de Léon Goldberg à sa fiancée Ginette
Fresnes, le 21 février 1944
Ma chérie, ma dernière lettre et mon dernier souvenir pour toi, je vais être fusillé à trois heures. Il est 11h30. D'abord je voudrais que tu ne pleures pas et que tu sois très courageuse comme je le suis moi-même, je n'ai pas peur de mourir. Je trouve quand même que c'est un peu trop tôt. Comme cadeau d'anniversaire, c'est réussi n'est-ce pas.
Tu sais depuis samedi ce qui m'attend par les journaux.
Ta photo est devant moi ce matin, comme toujours. Je l'emmène avec moi pour ce long voyage dont personne n'est, je crois, jamais revenu. Console-toi très vite ; nous nous sommes trop peu connus. J'ai fait mon devoir envers tous, je ne regrette rien. Tout ce que je voudrais, c'est que, quelques fois, vous tous, mes amis, pensiez à moi ! Maintenant, j'embrasse tes parents, Fanny, toi-même, ma chérie, ainsi que tous mes amis. Quand mes parents reviendront, tu rendras mes affaires. Enfin, arrangez tout quand tous seront de retour.
Ils ont été forts pour mon cadeau d'anniversaire, tu ne trouves pas ? Je n'écris pas grand-chose, je n'ai pas grand-chose à écrire. Ça vaut mieux, parlons des amis. [...]
Je n'arrête pas de manger en ce moment. Que veux-tu que je te dise, ma chérie. Il faut bien mourir un jour. Je t'ai beaucoup aimée mais il ne faut pas pour cela oublier que la vie continue.
D'ici quelque temps, j'espère que tu te seras fait une raison et que la vie reprendra ses droits.
Enfin, adieu à tous, la vie sera meilleure pour vous, je vous embrasse tous, ta famille et toi Ginette. Je demande pardon à tous ceux des amis que j'oublie.
Ma Ginette, je partirai avec ton nom sur mes lèvres.
Vive la France
Léon
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