lundi 30 mars 2015

La Frida de Marko... continuación y fin

Richard nous propose un post sur la Frida de Marko qui reste une fresque de synthèse importante et un exemple du talent de Marko.


Alors que dAcRuZ a été l'objet de la vindicte de Nite et sa bande de tagueurs, Marko avait décidé de reprendre son portrait de Frida Kahlo, superbe portrait dont nous avions proposé dans ces colonnes une brève analyse. Le projet de Marko était de garder le thème du portrait de Frida et d'appliquer une technique qu'il avait expérimentée par ailleurs : le vitrograff. Ne cherchez pas ce mot, c'est un néologisme créé par Marko, pour qualifier un cloisonnement des surfaces en aplats comparables à des vitraux, d'où le nom de "vitro" et de "graff" pour renvoyer aux peintures des murs avec des bombes aérosols.


La grande fresque de Marko qu'il a réalisée en deux temps a dépassé le projet initial. Nous voudrions montrer dans notre commentaire qu'elle est une œuvre de synthèse de l'ensemble des techniques que maîtrise actuellement Marko.

    


Il serait bien intéressant, mais cela n'est pas mon sujet, de comprendre le soudain engouement de la jeunesse pour la peintre mexicaine Frida Kahlo. Célèbre essentiellement pour ses autoportraits, elle est devenue une icône symbole de l'émancipation des femmes dans les luttes de 2015 et les déclinaisons de son portrait sont légion. C'est d'ailleurs un autoportrait de Frida Kahlo qui est la source de la fresque de Marko. Son premier portrait de Frida était également inspiré d'un autoportrait. Frida Kahlo s'est souvent représentée entourée d'animaux : des perroquets, des singes, des chats. Précisément, dans ce portrait d'elle-même, un singe noir, il est vrai, est placé à gauche et un chat noir à droite. Si la composition du portrait, Frida au centre encadrée par deux animaux familiers, a été reprise par Marko, il a emprunté à d'autres autoportraits des éléments de décor (le perroquet plus gros que le singe et le chat par exemple). En fait, l'analyse de l'élaboration de la fresque, en deux temps, éclaire la composition dissymétrique. Dans un premier temps, une large parenthèse contenait le singe blanc, Frida et le perroquet.



L'espace à droite de la parenthèse et l'abribus étaient "réservés" : seul un fond était peint sans sujet. Le chat, qui rompt la symétrie et est situé hors de la parenthèse, a été rajouté dans un deuxième temps. Mon hypothèse est que ce qui intéresse Marko dans le chat ce n'est pas son rapport à Frida, comme le singe et le perroquet, mais ce sont ses yeux. Le corps du chat, fond bleu et tracé noir en calligraffisme, est ébauché ; par contre, le tête du chat se réduit et se résume à ses yeux peints avec un jaune fluorescent. Pour renforcer l'effet, les contours des yeux sont volontairement flous pour traduire l'éblouissement. Cette technique que nous retrouvons dans d'autres parties de la fresque, nous l'avions déjà rencontrée dans la peinture du vitrail en juillet 2014 lors d’Ourcq Living Colors. Dans les mois qui suivirent la réalisation de sa Frida, c'est comme cela qu'il nomme sa fresque de la rue de l'Ourcq, Marko a peint des yeux de chat et de félins avec des peintures phosphorescentes. Marko poursuit ses recherches sur la lumière : les yeux du chat noir marquent une étape déjà dépassée.

    



Revenons à ce qui a été l'essentiel de Marko quand il a peint sa Frida : le vitrograff. Cela vaut la peine de regarder de plus près son œuvre. L'espace autour du visage de Frida est partagé en vastes secteurs. Ils convergent vers une zone centrale bleu foncé qui ceint le beau visage de Frida. Cette "auréole" met en relief le visage, le détoure et le bleu nuit s'oppose au rose fluo, au jaune fluo, au bleu fluo mais aussi à l'éclat des boucles d'oreilles qui brillent et éclairent d'autres étoiles dans ce firmament irréel.
Cette composition rayonnante et ce cloisonnement des surfaces évoquent bien sûr les vitraux. Les surfaces sont fractionnées par des segments géométriques qui rompent avec le calligraffisme de Marko (souvenons-nous du décor de sa cabine téléphonique par exemple). Les volutes, les boucles, les courbes sont délaissées au profit d'un réseau décoratif majoritairement constitué de segments et de petites courbes. Le rapport à l'écriture, à la calligraphie n'est pas recherché. Il s'agit d'apparenter la surface colorée au maillage des vitraux qui sont les formes et les couleurs de référence. Références certes, mais références culturelles dépassées, revisitées par un artiste du XXIe siècle qui, avec des bombes aérosols comme les compagnons qui construisirent les cathédrales du Moyen Âge, essayèrent de créer grâce aux vitraux une lumière "céleste". Apprivoiser la lumière, la capturer, la "rendre", un rêve vieux comme l'Art. Prendre en compte l'héritage, poursuivre le chemin, c'est ce que fait modestement Marko. Examinons par exemple le visage de sa Frida. Comme sa première Frida, le portrait est beaucoup plus beau que l'original (c'est l'autoportrait rêvé de Frida), Marko garde ce qui l'intéresse, les fleurs dans les cheveux, il rajoute des bijoux qui n'ont jamais existé (la lumière !) et fractionne le visage non pas en zones d'ombre et lumière mais d'une autre manière qui n'a rien à voir avec le réel tout en ménageant une relative lisibilité (le cou réduit en bandes verticales est vu comme le cou de Frida). C'est donc un compromis entre l'abstraction d'une partie du décor, le schématisme du singe blanc et du perroquet et le vitrograff utilisé pleinement pour le portrait de Frida.

Dans sa Frida 2, Marko a écrit une citation de Frida Kahlo dont je sais qu'il partage profondément l'esprit : "Je ne suis pas malade... Je suis cassée... mais je suis heureuse d'être en vie pendant que je peux peindre". Frida 1 et Frida 2 sont des hommages post mortem mais ils nous parlent aussi de Marko qui pense ce qu'il écrit, qui cherche inlassablement la lumière.

Ne soyons pas dupes, sous la mousse, sous l'éclat des peintures fluo, il y a un homme sensible qui nous parle et si nous prêtons l'oreille nous l'entendons ; c'est un artiste, il y a de belles choses à nous dire. Alors, silence. Regardons.

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