mardi 11 novembre 2014

Nadège Dauvergne et ses dames, copiées, collées et peintes

Nous avons rendu compte dans notre blog de notre rencontre avec les œuvres de Nadège Dauvergne [Les "Dames" de Nadège Dauvergne]. Ses collages questionnent le curieux.
Une première question me [Richard] taraude, collage certes mais est-ce une photocopie ou une peinture ? Une seconde question surgit du spectacle de l'environnement de l'œuvre : quelle est sa signification ? A-t-elle seulement une signification ?
Essayons avec nos faibles moyens d'apporter des éléments de réponse.



Les dames sont très certainement issues de l'Antiquité. Le drapé du vêtement évoque une toge. Ce n'est pas une toge : la toge est un vêtement de laine épaisse portée par les citoyens de la Rome antique, nous disent tous les bons dictionnaires. C'est plutôt une stola, une tunique longue qui était resserrée à la taille. Nous avançons : ces dames sont grecques. Ces dames sont jeunes, très belles et, manifestement, leurs postures marquent leur appartenance à l'aristocratie. Leurs représentations sont de grande taille. Les collages sont découpés : ils suivent les contours du corps. En observant de près les collages, on voit deux couches de couleurs : une première couche de pigments d'imprimerie, une seconde couche de peinture étalée à la brosse sous la forme de rehauts clairs. Les collages combinent deux techniques : la photocopie utilisée dans le street art depuis fort longtemps (je pense à Shepard Ferey, André, Mr Brainwash, etc.) et le rehaut de couleur qui distingue l'œuvre de Nadège Dauvergne, d'autres street artists utilisant des collages.
Une rapide lecture de la biographie de l'artiste laisse penser qu'elle a dessiné les dames grecques d'après des modèles et, dans un deuxième temps (possiblement après le collage pour éviter que les pigments ne s'écaillent), au pinceau mis en évidence par des valeurs claires des détails (les drapés du vêtement créent des formes picturales particulièrement délicates, mais aussi certaines courbes du corps). L'ensemble est très doux, harmonieux, tout en finesse (le dessin, la palette de l'artiste, etc.)


Nous n'échapperons pas à la question du pourquoi. L'analyse de l'œuvre de l'artiste montre à l'évidence que ses travaux sont fédérés par des études thématiques qui portent un message. Le message est-il de mettre en relation des représentations classiques de l'art occidental avec une technique inédite ? Est-ce un discours sur l'art ? L'art pompier s'exprimant dans la forme de l'affiche ?

Faute de pouvoir trancher, j'aime retenir l'émotion qu'a suscitée la découverte des dames. Tant de beauté (beauté des femmes, beauté de l'œuvre) dans un environnement aussi laid. Des tags, des graffs, des fresques moches, un mur sans charme sur les bords du canal (il y a de beaux murs et le canal est très beau à certains endroits). Là, au milieu du néant esthétique, les dames rangées à côté des "croûtes" de street art touchent par leur grâce. Cela ne résout pas le problème : pourquoi sommes-nous encore touchés par des œuvres qui datent de plus du siècle de Périclès (IVe siècle avant Jésus-Christ) ?

1 commentaire:

  1. Merci pour votre article. Je voulais juste vous préciser qu'il n'y a pas d'impression préalable, je procède de manière classique (obligé). Dessin au fusain, premiers aplats à la bombe aérosol (équivalent des glacis) et finitions à l'acrylique. Toutes les figures choisies sont issues de tableaux du XIXe siècle, peintes par des artistes pompiers ou de ce courant de l'époque victorienne appelé "olympien". Je les choisis parce-qu'elles me touchent et comme vous je suis fascinée par la grâce et la beauté de ces femmes d'un autre siècle. En les peignant ainsi, grandeur nature, c'est comme si elles venaient nous rendre visite en se mélangeant aux images et aux environnements d'aujourd'hui. Une manière de parler de l'Image avec un grand "I" par ce grand écart temporel ? Le mystère reste entier...

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