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© 2014 Niki Charitable Art Foundation - Photo : Marc Domage |
Le coup de cœur de Richard.
La Cabeza est une grande sculpture qui sera exposée jusqu'au 8 août 2015 au
104. Cette sculpture qui n'avait jamais quitté les États-Unis est une première absolue en Europe. Le 104 s'est associé au Grand Palais qui organise une remarquable exposition dédiée à Niki de Saint Phalle.
Il y a plusieurs manières d'aborder cette œuvre majeure. La première est fondée sur l'émotion de cet immense crâne. Il est constitué de mousse de polyuréthane, soutenu par une armature d'acier et de résine, revêtu d'éclats de miroir, de galets, de coquillages, de cailloux et d'incrustations de verre millefiori. Cette sculpture, récente (elle est de 2000), utilise des matériaux modernes et d'autres éléments décoratifs plus traditionnels.
La seconde manière serait de resituer cette œuvre dans l'histoire de l'art. C'est une vanité. Les vanités au cours des siècles ont été déclinées de multiples façons (peinture, sculpture, etc.). Leur fonction était de rappeler au croyant qu'il est mortel et qu'il doit préparer en ce bas monde sa vie éternelle. La violence de certaines vanités est, encore aujourd'hui, difficilement supportable. Pour illustrer ce courant très fécond, j'ai dû exclure de mon billet des représentations d’œuvres pourtant fort intéressantes du point de vue plastique. Le réalisme, la crudité des images, ont traversé le temps et provoquent, encore, le rejet (quoique les vanités et leurs représentations soient très à la mode en ce moment, mais ça c'est une autre histoire !). Il est vrai que nous faisons tout pour éviter de penser à notre mort (voir le thème cher à Pascal du "
divertissement").
La Cabeza n'est pas funèbre, bien au contraire. L'artiste qui a habité dans la ville californienne de La Jolla s'est manifestement inspirée des traditions mexicaines. Les attributs de la mort, les squelettes, les crânes, les os, sont décorés de couleurs vives et sont au centre de fêtes joyeuses. Après tout, si on célèbre la mort, c'est qu'on est vivant. Alors autant profiter de la vie et de ses plaisirs. Curieuse coutume héritière des civilisations précolombiennes qui continuent à vivre sans que nous soyons tout à fait conscients que les Aztèques, les Mayas ont des descendants qui ont ajouté à leurs croyances ancestrales les rites et les images de la religion des colonisateurs. Curieux renversement des fonctions des vanités : elles n'invitent pas le croyant à la traversée d'
une vallée de larmes mais au contraire à l'épicurisme le plus débridé. Niki de Saint Phalle parlant de la mort disait :
"There is no death. There is change-transformation. Our life is eternal."
La troisième manière (et la dernière) est l'originalité de cette œuvre que les critiques ont sous-estimée. C'est énorme parce que le visiteur doit entrer à l'intérieur. Bien sûr, l'extérieur est une merveille : les couleurs s'opposent et brillent de milliers d'éclats. Les rouges s'opposent aux verts, leur complémentaire. Les jaunes aux noirs. Ce n'est pas l'harmonie qui est recherchée, c'est le clinquant de la Merveille. Vous savez sûrement que l'endroit du cloître entouré par des murs qui est une représentation du paradis terrestre, s'appelle la Merveille. Il ne m'étonnerait pas que Niki de Saint Phalle dont on connaît aussi l'humour et le goût de la provocation ait voulu d'un crâne humain, trop humain, faire une Merveille.
Au clinquant "populaire" et criard de l'extérieur s'oppose l'intérieur. On s'assied sur le banc prévu à cet usage et on regarde. Au "plafond", un ciel, aux couleurs apaisantes et pastels. Les murs ont des teintes douces : des bleus, des gris... l'harmonie est parfaite. Dans cette pénombre rassurante, entre les dents, le soleil éclabousse. La mort non seulement ne fait pas peur vue de l'extérieur (c'est-à-dire quand on est vivant), elle est gaie, habillée de lumière, mais à l'intérieur (quand on est mort) le monde n'est que
luxe, calme et volupté.
Singulière sculpture, vanité atypique qui loin de nous inquiéter, nous rassure.
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