Deux mots sur l'artiste. De son vrai nom Thomas Louis Jacques Schmitt, Thom Thom surnommé "le boucher-dentellier de la pub" intervient principalement dans le 11e arrondissement de Paris. Diplômé de l'ENSLL, section cinéma, il s'inspire du cinéma expérimental pour "faire jaillir de ses œuvres des fresques fantasmagoriques étonnantes pleines de minutie", disent ses biographes. En 2001, il rencontre Jean Faucheur (nous avons consacré un post à cet artiste dans notre blog lors d'une intervention remarquable square Karcher) qui travaille également sur les affiches publicitaires. Si le matériau est le même, les approches sont très différentes : l'un découpe et recompose des fresques, l'autre colle des œuvres directement sur les affiches. Ils fondent LE M.U.R. (association Modulable, Urbain, Réactif) pour faire connaître d'autres street artists, rue Oberkampf. L'artiste résume ainsi son projet : faire passer un message aux citoyens de la laideur de la publicité et dénoncer le corollaire de la publicité, la surconsommation.
L'œuvre qu'il présente dans le cadre de l'exposition Oxymores ressemble au premier abord à une palissade de chantier complètement recouverte d'affiches. En observant de plus près l'œuvre, notre regard est tout d'abord guidé vers des visages. Dans le désordre de la superposition des morceaux d'affiches publicitaires et de cinéma, nous reconnaissons des visages connus, icônes de notre culture de l'image. Les visages et les personnages semblent être les "attracteurs" de la composition. Les superpositions de formes et de couleurs s'organisent autour de ces points forts. Si dans une image, nous disent les sémiologues, il y a deux points forts qui sont des attracteurs du regard et les passages obligés de notre regard qui parcourt la surface de l'image dans un sens quasi obligé, la composition de Thom Thom est complexe et ne se laisse pas découvrir d'un seul regard.
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Les visages et plus globalement les personnages sont mis en valeur et reliés par un réseau arachnéen de carton fixé par des agrafes. Les motifs décoratifs fins qui transforment, transfigurent les visages sont le plus souvent reliés à un ou plusieurs réseaux de carton fort. Ces découpages sont d'une grande précision : ils sont complétés par des ajouts de motifs géométriques purement décoratifs.
La Palissade de Thom Thom ne doit rien à l'aléatoire et au hasard du découpage d'affiches comme nous avons essayé de le montrer. Il s'agit d'une œuvre construite et savamment organisée. Le hasard est certainement intervenu à un stade antérieur dans le processus de création (le hasard des affiches dont on dispose à un moment donné) mais la fabrication "artisanale" de l'œuvre qui, par définition, est unique, est longue et méticuleuse. Il suffit d'imaginer les couches de papier agrafées les unes sur les autres formant des épaisseurs de 3,4, 5 couches, la surface de l'œuvre, pour avoir un aperçu du "travail" de l'artiste.
Thom Thom, comme plusieurs street artists français, prend pour matériau les affiches. Il n'est ni le seul ni le premier. Il convient de citer le nom de Jacques Villeglé. Âgé aujourd'hui de 82 ans, cet artiste dès 1949 s'est presque exclusivement servi d'affiches lacérées trouvées au hasard de ses promenades urbaines. Sa démarche était différente : son objectif était de découvrir dans la superposition de papiers lacérés, la beauté d'une forme ou d'une couleur. Loin de dénoncer les affres de la société de consommation, il a voulu montrer que sous l'aspect sauvage, barbare, désorganisée de la ville se cache de la beauté. L'artiste révèle ce qui est caché.
Thom Thom qui tient un discours politique critique sur notre société ne rejoint-il pas son prédécesseur et, peut-être, son modèle ?
Il recherche l'humour, l'étonnement, le questionnement, mais, fondamentalement, n'atteint-il pas la beauté ? Somme toute, comme malgré lui, l'artiste fabrique de "belles" compositions qui ne dénoncent rien. Elles disent qu'avec des affiches récupérées, un cutter, une agrafeuse, on peut créer une œuvre d'art.
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