Quelques mots sur Felice Varini. Il est né le 6 mars 1952 à Locarno en Suisse. Il étudie le dessin et les arts de la scène avant de s'installer à Paris en 1978. Sa première œuvre figure dans un catalogue de 2004 et porte le nom de Quai des Célestins n°1. Elle a été réalisée à la peinture acrylique dans un appartement privé en 1979. C'est surtout pour ses talents de plasticien que Varini va s'imposer comme une figure marquante de l'art contemporain. Dès le début de sa production plastique, il recourt à l'anamorphose. L'anamorphose est une déformation d'images, de telle sorte que, ou bien des images bizarres redeviennent normales ou des images normales deviennent bizarres quand elles sont vues à une certaine distance et réfléchies dans un miroir courbe. L'anamorphose utilisée par Varini est particulière : d'un point de vue, et d'un seul, le spectateur voit des formes colorées s'organiser en figures géométriques.
L'anamorphose de la galerie est de la Grande halle est un bon exemple. Le visiteur de l'exposition, le spectateur, doit chercher de quel endroit on peut voir des arcs de cercle colorés. La galerie vue de la fontaine aux lions de Nubie, le spectateur ne voit pas l'œuvre (excepté une portion d'arc de cercle collée sur le mur du café des Concerts). Sur le côté, le spectateur voit des formes géométriques irrégulières collées sur tous les matériaux constituant la galerie. Il lui est impossible d’en déduire le sens de ces collages. Situés derrière la Grande Halle, à une certaine hauteur, les fragments de l'œuvre s'organisent en dessinant des arcs de cercle orangés. La logique de l'installation ne peut être perçue que d'un seul point de vue. Les arcs espacés de manière régulière dessinent des portions de courbes qui rompent avec la géométrie de la halle. Les verticales des poteaux, des barrières, des colonnes, les horizontales du sol pavé sont cassées par des courbes fortement structurées. L'orange des arcs s'oppose au gris du bâtiment, aux tons sombres, à la claire obscurité de ce lieu extérieur mais couvert, c'est-à-dire, toujours dans l'ombre. L'effet est saisissant : des fragments déconstruits grâce au regard du spectateur créent une image d'une grande complexité et d'une grande beauté formelle. La photographie peut magnifier l'installation. Le jour "parasite" venant du côté gauche, un traitement d'image peut révéler la magie du lieu.
L'anamorphose quand elle est répétitive devient un "truc", savant certes mais "pauvre". L'intérêt, c'est la recherche du point de vue magique, la quête et sa récompense. C'est un peu comme un bon polar, l'essentiel c'est l'enquête, pas l'identité du criminel. Si c'était cela le contrat de lecture, il suffirait de lire le premier et le dernier chapitre. Last but not least quand le "point magique" est indiqué par un trait tracé sur le sol dans le pavillon Paul-Delouvrier, c'est comme révéler le nom du meurtrier au lecteur qui lit le premier chapitre. Alors, finie la magie, les gens font la queue devant le point de vue, regardent quelques secondes, éventuellement commentent et passent au suivant.
Richard
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