lundi 25 août 2014

Zoo Project à Tunis

Cela fait trois mois que je veux écrire ce post.
► Quand j'ai découvert les pages relatant l'action de Zoo Project à Tunis, je me suis dit : je vais reprendre quelques photos et faire un petit texte et ce sera bon. Mais en lisant et relisant le texte de Bilal – rédigé avec l'aide d'Émilien Bernard le 3 avril 2011 – il est devenu évident qu'il fallait que j'inclue des extraits de ce texte... sauf, qu'il m'a été impossible de faire une sélection sans trahison et finalement j'ai repris le texte en totalité.
► Pour les photos, j'ai aussi éprouvé des difficultés à choisir, pourquoi telle personne et pas telle autre... conclusion, elles sont toutes dans le diaporama avec les légendes originelles.
Alors pourquoi faire ce post, si c'est pour tout reprendre, même si la présentation est différente ? Voilà pourquoi ce billet est resté à l'état de brouillon si longtemps : pourquoi ? Finalement la réponse est simple et c'est toujours la même, pour servir de relais. Pour que l'œuvre et l'action de Zoo Project soit encore diffusée et pour entretenir la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie la Révolution de jasmin.
Merci Bilal pour ton engagement et ton talent.
► Plusieurs posts sur Zoo Project sont déjà parus dans ce blog dont  Zoo Project : "C'est assez bien d'être fou".

Ahmed B. décédé le 9 février 2011 à Gafsa
Pourquoi je peins Les Martyrs
Il arrive que certaines personnes réagissent négativement à mon travail, haussent la voix. Quand je dispose ces représentations des martyrs de la révolution dans les rues de Tunis – à Porte de France, Bab Souika ou Avenue Bourguiba –, beaucoup me félicitent, me remercient, mais d'autres s'insurgent : qui suis-je, moi, un étranger, pour peindre les martyrs de la révolution et les afficher ainsi dans Tunis ? Quel est mon intérêt là-dedans ? Je comprends ces interrogations, je trouve même naturel et légitime qu'elles surgissent : aborder un sujet si dramatique, à ce point vivace dans les mémoires, implique d'accepter le débat, de répondre aux questions.

Hassan A. décédé le 8 février 2011 à Sidi Bouzid
Je suis arrivé à Tunis début mars. Franco-Algérien de 20 ans résidant à Paris, je suis parti de France sans but défini, simplement parce que j'estimais que la révolution tunisienne – comme toutes celles qui secouent le monde arabe – était un événement unique, porteur d'un grand espoir.
De Paris, je suivais la situation au jour le jour, espérant que le 14 janvier ne reste pas lettre morte, que la révolution ne perde pas son âme. Jusqu'à ce qu'un jour, je n'y tienne plus : il me fallait venir sur place pour témoigner, agir à ma manière. Je souhaitais apporter ma modeste contribution au peuple insurgé.


Hakim B. décédé le 9 février 2011 à Hammamet
Quand je suis arrivé, j'étais un peu perdu. Pas question de peindre les murs sans demander leurs avis aux habitants, de m'imposer face à une culture que je ne connais pas aussi bien que je le voudrais. Alors je suis resté aux aguets, discret, attendant de comprendre quel pouvait être mon rôle. Avant de peindre, je voulais discuter, dialoguer, me faire accepter. C'est dans le quartier de la Hafsia que le déclic s’est produit : rencontres fertiles avec des jeunes et des artisans, amitiés, encouragements.

Mohammed Hanchi tué par deux "balles perdues" et ses amis
Quelques mômes du quartier m'ont parlé de leur ami Mohammed Hanchi tué par deux "balles perdues" alors qu'il n’avait pas même 20 ans. D'autres ont enchéri : il me fallait représenter leur camarade Hanchi, leur frère, leur ami disparu. Grâce à eux, j'ai rencontré sa famille, j'ai discuté avec ses amis, et j'ai compris que les morts de la révolution devaient être le sujet de mes créations. Car chaque personne m'expliquait, à sa manière : "ils ne doivent pas disparaître, les oublier serait les tuer une deuxième fois".

Whalid S. décédé le 24 décembre 2010
À ce jour, j'ai peint une quarantaine de martyrs, taille réelle. Hanchi, bien sûr, Mohammed Bouazizi, également, celui que tout le monde me réclame, mais aussi des martyrs moins "connus" : Aamer Fatteh, Moez Ben Slah, Ayoub Hamdi, Faiçel Chetioui, Mersbah Jwehri, Rabii Boujlid, et bien d'autres encore. Ils étaient menuisiers, professeurs, vendeurs ambulants, chômeurs... Ils vivaient à Tunis, Kasserine, Sidi Bouzid ou bien Gafsa. Des gens ordinaires qui ne méritaient pas plus qu'un autre de laisser leur vie sur l'autel de la révolution. Je souhaite, sur la longueur, les représenter tous. Des 236 martyrs "officiels" (selon le ministère de la Santé tunisien), je ne trouve pas toujours de photographies, de renseignements pour les représenter. C'est un travail de fourmi, mais un travail passionnant.

Hatem B. décédé le 12 janvier 2011
À mes yeux, ces figures ne sont pas des images mortes, des fantômes célébrés post-mortem. Ils n'appartiennent pas à un passé fantasmé, regretté. Ce sont des figures du présent, des compagnons de lutte. Si je les peins, si je me permets de les représenter, de les exposer dans des manifestations, c'est parce que je suis convaincu que leur disparition des mémoires marquerait la fin de l'espoir. De même que les Tunisiens se battent pour que leurs meurtriers – les snipers, les donneurs d'ordre, les matraqueurs – soient jugés et sanctionnés rapidement (revendication restée lettre morte pour l'instant), je cherche, à ma mesure, à rappeler la portée de la disparition de ces gens ordinaires.
Ils font partie de l'avenir, de cette Tunisie qui se dessine, s'esquisse sous nos yeux. C'est cette esquisse que je tente de représenter.

Diaporama de 37 photos
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