jeudi 21 mai 2015

L'Ara mort-né de dAcRuZ


Bon, je [Richard] vous entends d'ici, encore dAcRuZ, bah oui encore lui. Au moins pour trois raisons : alors que dans notre microquartier que j'appellerais volontiers comme lui "Ourcq", quartier qui ne manque pas de murs, dAcRuZ est l'un des rares street artists qui depuis plus de 15 ans peint et repeint nos murs (je connais des murs qu'il a peint successivement plus de 3 fois recouvrant ses propres fresques), deuzio, dAcRuZ est un artiste qu'on peut rencontrer, qui est impliqué dans la vie de quartier, last but not least c'est un exemple d'un petit gars du quartier qui est devenu un street artist reconnu par le milieu. Suivre sa création, suivre l'artiste, c'est pénétrer dans un monde, un monde caché, celui du hip-hop, du graffiti, du graff, de l'underground. C'est un monde, une culture qui a ses passerelles, ses correspondances. C'est un peu comme les égouts de Paris, on peut entrer par n'importe quelle bouche, ensuite tout communique. Le street art est une entrée. Ensuite, à vous de prendre les bonnes correspondances.

Je ne sais pas vous, mais moi, je n'arrive pas à faire le deuil de l'Ara. Souvenez-vous, dAcRuZ, rue de l'Ourcq avait commencé à peindre un perroquet. Un perroquet maousse : 12 mètres d'envergure environ, plus de 3 mètres de hauteur et bien situé, près de l'arrêt du 60. Comme ça, quand vous attendez le bus, vous jetez un œil sur les fresques, vous prenez une photo, vous retenez le nom de l'artiste... À la forme du bec, l'oiseau est un perroquet et à la variété des couleurs des plumes, je dirais plutôt un ara. dAcRuZ n'est pas ornithologue, ce qui l'intéresse dans le perroquet c'est la possibilité pour lui de se livrer à sa manie de cloisonner les espaces menu-menu. Plus c'est petit, plus les formes des surfaces sont irrégulières et pourtant en harmonie (bah oui, il faut suivre, dAcRuZ a horreur de la symétrie, il ne veut pas voir sous sa bombe de carrés, de rectangles, de triangles etc., c'est-à-dire de formes régulières admettant un ou des axes de symétrie... Prenez des notes parce ça je l'ai déjà dit !) et dans ces formes, il dépose de la peinture en bombe aérosol, surfaces colorées souvent elles-mêmes fractionnées par des rythmes plus ou moins réguliers (plutôt moins que plus car dAcRuZ a horreur de... ah super, il y en a un qui suit !)

    



Ceci dit, regardez, contemplez l'esquisse de l'ara. Faites un effort ! Nous ne sommes plus rue de l'Ourcq, mais dans une galerie d'art contemporain, d'immenses toiles sont accrochées aux cimaises... Wouah!!! Quel dynamisme des lignes, quelle tension dans le réseau serré des lignes de la tête de l'ara, quelle force dans cet œil qui traduit la pose de trois quarts ! Et les couleurs ! Le rose-saumon du fond sur lequel se détache le bleu du contour ! Quel imaginaire aussi que ce perroquet qui n'a pas de plumes mais des formes abstraites colorées !

             


J'ai le sentiment que ce qui reste de la forme du perroquet n'est que le prétexte à créer des formes, et créer des formes le prétexte à créer des couleurs.

Reprenons. Toutes les fresques de dAcRuZ que nous connaissons (nous en avons reproduit de nombreuses dans notre blog) et passons-les au crible de notre grille de lecture. Regardons le grand Inca de Ourcq Living Colors, le médium est le message, son intérêt c'est l'extrême déclinaison des couleurs. Le masque précolombien ne veut rien dire.

Et pourtant, mais c'est bien sûr ! dAcRuZ n'arrête pas de le dire et de l'écrire. Sur son ara recouvert devenu oiseau un peu triste, il écrit "Paris en couleurs". Sur son FB il définit son ambition comme étant de mettre des couleurs dans les rues de Paris.

Une réflexion pourtant. dAcRuZ pourrait-il mettre de la couleur dans les rues de Paris sans le prétexte de formes qui portent ses couleurs ? Peut-on concevoir un street art qui couperait ses liens avec la représentation du Réel comme l'a fait la peinture de chevalet ?

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