dimanche 23 août 2015

L'art de C215 [2/3]

Après L'art de C215 [1], Richard poursuit dans ce post sa réflexion sur C215 et, à travers lui, l'utilisation du pochoir dans le street art. 

Le pochoir a été inventé par économie. Il permet la répétition d'un motif décoratif. Dès la plus haute Antiquité, les murs des maisons des patriciens romains de Pompéi et d'Herculanum par exemple étaient décorés de magnifiques frises faites au pochoir. C'est certainement pour cette raison, la possibilité de reproduction à l'identique d'un motif, que le pochoir a une place aussi modeste dans l'histoire de l'art.


     


     


Je prendrai comme exemple de cette évolution le travail de C215 qui est certainement le pochoiriste qui a le mieux réussi son entrée dans le marché de l'art contemporain. Partons de 4 affiches collées rue de Thionville en 2006 (nous avons déjà dans nos colonnes diffusées ces images). Les quatre affiches sont des portraits réalisés au pochoir par C215. Il était novateur à l'époque de faire des pochoirs sur des affiches que l'on collait dans les spots dédiés au street art. Les pochoirs étaient, et certains le sont encore de nos jours, peints directement sur le support (murs, porte, etc.). Le procédé utilisé en 2006 était assez semblable à la sérigraphie : l'artiste dans son atelier peut réaliser ses œuvres et, rapidement les coller. L'inconvénient est évident : le support papier du pochoir se détériorait assez vite, au gré des averses, et le pochoir avait une vie relativement brève. Je vous épargne l'arrachage des affiches pour des raisons diverses et variées. Certains assimilaient ces collages "sauvages" à du vandalisme et la loi pénale s'appliquait pour punir ceux qui dégradaient l'espace public (nous avions dans un billet consacré au procès de M. Chat développé la notion de vandalisme appliquée au street art). Nous retrouvons dans ces portraits l'importance du "décor" pour C215, "décor" qui déjà le distinguait d'autres pochoiristes comme Mosko et associés par exemple.

La comparaison avec le pochoir de C215 mis en vente par Artcurial pour Les compagnons d'Emmaüs lors de La Villette Street Art Festival montre l'évolution remarquable de l'artiste. Tout d'abord, le pochoir est fait sur une toile et la toile sera mise aux enchères. Le nombre de pochoirs a augmenté. C215 s'en tient au principe classique d'une couleur par pochoir (nous verrons en examinant l'œuvre d'autres grands noms du pochoir que d'autres techniques sont utilisées). De plus, les détails sont beaucoup plus nombreux et "fins". Pour le "décor" d'autres techniques sont convoquées : le rouleau, la bombe aérosol, les projections etc.

Les portraits que nous avons photographiés en 2006 et qui étaient collés sur de nombreux murs de Paris n'avaient pas de valeur marchande parce que tous étaient à peu près semblables. La reproduction à l'identique ôte à l'œuvre d'art sa valeur sur le marché de l'art (ou du moins réduit très sensiblement son prix). Le pochoir de C215 donné à l'association fondée par l'abbé Pierre a une valeur parce qu'elle est unique.



Les deux œuvres présentées lors de l'exposition de C215 dans les salles de la mairie du XIIIe arrondissement suivent cette même logique. L'importance chez C215 de ce que j'ai appelé le décor apporte une considérable plus-value aux œuvres. Si le pochoir est reproductible par nature, les éléments de décor dans lesquels s'exprime toute la créativité de l'artiste, réalisés avec des techniques "classiques", rendent l'œuvre unique.

Qui eût dit, il y a deux décennies que les pochoirs feraient une si fracassante entrée sur le marché de l'art. Les pochoirs sont faits sur des supports variés (ce n'est pas le support qui fait la valeur) et deviennent des œuvres pouvant être vendues. Je pense aussi à ce galeriste américain spécialisé dans le street art qui fait découper des murs sur lesquels Banksy a réalisé de superbes pochoirs et les vend... fort cher aux collectionneurs.
Richard

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...