lundi 28 octobre 2013

Le vin blanc de La Villette de Jules Romains

—  A quoi penses-tu, vieux frère ?
—  J’étais en train de me dire qu’on ne serait pas mal sur le port de La Villette.
[...] Bénin et Broudier traversaient le boulevard extérieur et, par un bout de rue, ils gagnaient les docks. C’est là que le port se clôt en lui-même ; c’est là qu’il vit dans l’isolement et la force. Paris est rejeté au dehors ; il est absent, moins encore, oublié. Il n’existe plus qu’une eau vaste qui réclame le ciel pour elle, des quais pavés rudement où le pied écrase des graines étrangères, des grues obliques, des magasins pleins d’ombres et d’odeurs. Au sommet du pont qui enjambe le bassin d’un seul pas, une horloge donne l’heure d’ici.
Lorsqu’ils venaient de la Butte, Bénin et Broudier arrivaient directement à la place de Bitche et aux docks. Ils s’asseyaient sur un banc ou sur une borne ; ils s’accoudaient à la balustrade du pont mobile ; mais quelque bateau demandait le passage ; il fallait déguerpir de là ; et tandis que le pont montait, comme soulevé par quatre poings, Bénin disait à Broudier :
—  On pourrait boire une chopine à l'Ambassade.

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